SNITEM : compte rendu du colloque « Comment mieux exporter ? » du 25 janvier 2024

[2024-01-25] (Accès libre) Comme nous l’avions annoncé dans un article précédent, le SNITEM a organisé un colloque le jeudi 25 janvier 2024 sur le thème : « Comment mieux exporter ? » au Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères (MEAE), 27 rue de la Convention, 75015 Paris.

Monsieur Jean-François Gendron, Président de la French Healthcare Association, a animé ce colloque devant une cinquantaine de participants.

Après une allocution d’ouverture d’Hélène Dantoire (Directrice de la diplomatie économique au MEAE) et un mot de bienvenue de Laurence Comte-Arassus (Présidente du SNITEM), il a été rappelé que le secteur des dispositifs médicaux représente environ 1400 entreprises en France, soit 88000 emplois, et un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros, dont un tiers à l’export. Il s’agit du troisième exportateur, après l’automobile et l’aéronautique. Toutefois, la balance commerciale de ce secteur reste déficitaire.

La marque « French Healthcare » a été créée en 2017, l’État en est propriétaire et cette marque est portée par le MEAE et par Business France. Mais, il a été créé l’année suivante l’association French Healthcare (FHC) qui est le troisième porteur de la marque, afin de fédérer les entreprises, établissements de santé, instituts de recherche et de formation français qui souhaitent promouvoir ensemble leurs activités à l’international. FHC compte environ 350 adhérents. L’objectif est de « chasser en meute à l’international ». Pour adhérer à French Healthcare, il faut que l’entreprise crée de la valeur ajoutée en France dans le domaine de la santé et qu’elle exporte à l’international.

Business France a présenté les actions à l’international, à travers les stands communs qu’elle organise sur les grands salons : Arab Health à Dubai aux Émirats Arabes Unis fin janvier (80 entreprises françaises), Hospitalar à Sao Paulo au Brésil en mai, Bio International Convention aux États-Unis en juin à San Diego, Medica à Düsseldorf en Allemagne en novembre (160 entreprises). Business France assure également la promotion via les réseaux sociaux, la presse internationale, etc.

Le plan « Osez l’export », lancé fin août 2023 et piloté par Business France, fait partie du plan « France 2030 » doté de 54 milliards d’euros. Les entreprises lauréates bénéficient d’une subvention qui s’étale sur 30 mois, afin de les faire bénéficier d’un accompagnement dans la durée. Des subventions de 30 % peuvent aussi être obtenues pour financer les pavillons sur les grands salons internationaux, dont les tarifs ont nettement augmenté.

D’autres actions visent à faire venir des acheteurs étrangers sur les salons en France. Enfin, un nouveau dispositif nommé Volontaire Territorial en Entreprise « Export » (VTE) permet de recruter des talents à l’export en bénéficiant d’une aide financière (400 VTE par an). Il vient compléter le Volontaire International en Entreprise (VIE). Ces deux dispositifs sont encore sous-exploités.

Un panorama des soutiens disponibles pour les entreprises a été brossé par les différents intervenants :

  • Bpifrance propose des financements, des assurances, des accompagnements et des missions internationales. Un nouvel outil a été mis en place pour favoriser la présence de sous-traitants français dans de grands projets internationaux.
  • la Direction Générale du Trésor (DGT) peut proposer des prêts ou des dons pour des projets qui concernent des bénéficiaires publics à l’étranger. La priorité est accordée aux entreprises qui exportent pour la première fois.
  • Business France, de son côté, dispose de 800 conseillers à l’étranger, présents dans 55 pays avec 75 implantations. Une structure nommée « TEAM FRANCE EXPORT » a été créée pour constituer un guichet unique dans chaque région : elle regroupe votre région, les services de l’État, Business France, votre Chambre de Commerce et d’Industrie et Bpifrance. Elle dispose de 250 conseillers internationaux dans les régions et 750 conseillers internationaux à l’étranger.
  • Enfin, les Conseillers du Commerce Extérieur (CCE), répartis dans plus de 140 pays, sont des chefs d’entreprises et experts bénévoles qui travaillent dans des entreprises à l’étranger. On dénombre 300 conseillers à l’international dans le domaine de la santé, de la pharmacie et des dispositifs médicaux. 700 à 800 entreprises sont accompagnées chaque année. Selon eux, les facteurs clés pour réussir à l’export sont les suivants :
    . anticiper
    . avoir une approche stratégique (et non opportuniste)
    . anticiper les modèles d’affaires
    . identifier les ressources nécessaires (‘financières, humaines)

Les présentations du colloque ont été ponctuées de retours d’expériences d’entreprises :

  • Raphaël de Tramasure, Directeur associé de FSE Group (ensemblier intégrateur) : le groupe est ouvert à tous les acteurs français pour répondre aux appels d’offres, mais dispose de contacts privilégiés avec les membres de FHC
  • Julien Payen, CEO, Lattice Médical : témoignage sur l’accès au marché américain pour un produit implantable de classe III
  • Cyril Fleury, CEO, Groupe Menix : présentation du lancement d’une nouvelle prothèse de hanche aux États-Unis : l’accès au marché américain a été possible en 9 mois via la procédure 510(k), tandis qu’en Europe, il faudra plusieurs années pour obtenir le marquage CE de ce nouveau produit selon le RDM : ce règlement a cassé l’innovation.

Dans le temps consacré aux questions et réponses, Sophysa a fourni un témoignage choc sur son expérience internationale : selon la société, le règlement (UE) 2017/745 (RDM) ne tue pas l’innovation, il tue les entreprises.
En pointe dans traitement des pathologies impliquant le liquide cérébro-spinal, la société a vu ses produits copiés par le Brésil et la Chine. Les chances de succès dans une attaque du fabricant brésilien en contrefaçon étant très faibles, Sophysa a dû renoncer aux poursuites. Les concurrents chinois, de leur côté, bénéficient de subventions significatives pour obtenir le marquage CE et l’agrément FDA, et lorsqu’ils les ont obtenus, ils reçoivent encore des récompenses, ce qui est l’une des raisons de leur succès sur les marchés export.
Sophysa avait aussi pénétré le marché iranien, mais comme la société vend également aux USA, elle a dû renoncer aux ventes en Iran pour ne pas subir de sanctions de la part du gouvernement américain. Cependant, les concurrents américains, eux, ne se privent pas de vendre leurs produits en Iran…

Note du rédacteur : à entendre ce témoignage, on se demande combien de temps il nous faudra pour réaliser que nous ne vivons pas dans un monde de bisounours, et que nous ne jouons pas à armes égales face à nos concurrents internationaux.

En conclusion, Stéphane Regnault, Président du Directoire de Vygon, a dressé une liste des pièges à éviter à l’international :

  • Pensez export dès le départ, car le marché français est trop petit pour supporter la croissance de votre entreprise : pour cela, identifiez les pays avec lesquels vous voulez travailler
  • Intégrez les contraintes réglementaires du RDM dès la conception, mais également les exigences réglementaires internationales pour l’export vers les pays ciblés
  • Pour vraiment vous développer dans un pays, vous devrez vous implanter sur place, mais il est possible de démarrer avec un bon distributeur.
  • Trouvez un bon distributeur :
    . identifiez quel est son objectif (pourquoi veut-il travailler avec vous ?)
    . ne donnez jamais l’exclusivité sans engagement sur des volumes minimum
    . exigez des engagements de moyens de la part du distributeur
    . maîtrisez l’enregistrement de vos produits dans le pays : travaillez de préférence avec des sponsors pour conserver l’enregistrement en votre nom, et si c’est impossible, prévoyez les conditions du « divorce » avec le distributeur
    . définissez les règles de gestion des stocks, en particulier en cas de rupture du contrat
    . négociez la maîtrise du prix de vente de vos produits
    . anticipez l’étape suivante au cas où les affaires marchent bien : rachat du distributeur, création d’une spin-off…
  • Enfin, Vygon a testé la co-production avec un partenaire local, mais rapidement, la société partenaire a développé des produits similaires et l’expérience a dû être interrompue. Il convient donc d’être très prudent dans une telle démarche.

Article rédigé par Denys Durand-Viel, Président de DM Experts SAS


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